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daniel auteuil - Page 2

  • Compte rendu (mots, photos, vidéos) et palmarès du Forum International cinéma et littérature de Monaco 2009

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    Ci-dessus: Amos Gitaï, Laura Morante, Daniel Auteuil, SAS Le Prince Albert II de Monaco, Jeanne Moreau
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    Ci-dessus: E. Zylberstein, F.Conversi, D.Auteuil
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    SAS le Prince Albert II de Monaco, Jeanne Moreau, Daniel Auteuil, Laura Morante (photo ci-dessus: Sandra Mézière)
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    SAS le Prince Albert II de Monaco et Jeanne Moreau avec son trophée d'honneur (photo: Sandra Mézière)
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    Comme vous le savez (ou pas), j’ai eu la chance de faire partie des invités au Forum International Cinéma et Littérature de Monaco. Comme vous le savez (ou pas), je  commence à particulièrement bien connaître les festivals de cinéma après avoir été dix fois jurée, et après seize années de pérégrinations festivalières et pourtant…et pourtant cette (in)humaine comédie, ce ballet des egos, cette valse effrénée des Narcisse, exhalant heureusement parfois de rares et enivrants « parfums de vérité »,  ne cessera jamais de m’intriguer, m’étonner, me révulser parfois aussi. Evidemment dans un lieu comme Monaco, une monarchie (certes constitutionnelle), les courtisans sont plus nombreux qu’ailleurs et comme cet Etat est le plus petit Etat indépendant au monde après le Vatican, imaginez un peu combien ils peuvent être au m2 !  (Monaco est le pays le plus densément peuplé au monde)

     

    Evidemment, un festival à Monaco ne peut ressembler à aucun autre. D’ailleurs pas vraiment un festival puisque uniquement trois films (tous des adaptations littéraires) ont été projetés et puisque le principal objectif de ce forum (qui est surtout un marché, de l’adaptation littéraire et du remake) est de mettre en relation producteurs, agents littéraires et auteurs pour que des films puissent voir le jour. Je consacrerai ultérieurement un article entier à chacun de ces trois films (« Frost/Nixon : l’heure de vérité » de Ron Howard, « Chéri » de Stephen Frears, « Je l’aimais » de Zabou Breitman) à commencer par le dernier cité, dès demain.

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    La gare de Monaco

     

      Sur les 2km2 que compte la Principauté, l’oisiveté (et l’ennui d’après ce que j’ai pu comprendre  aux propos des quelques monégasques, particulièrement enclins à tromper cet ennui et donc à bavarder, que j’ai rencontrés) règne. Monaco surplombe la mer et vous regarde donc de haut, compte beaucoup d’âmes au m2 et semble en être dépourvu, désincarnée.  A Monaco les habitants sont censément beaucoup plus libres qu’ailleurs puisqu’ils peuvent (presque) tout acheter, puisque la liberté a un prix exorbitant ou n’en a pas, et vous y éprouvez pourtant un sentiment de claustrophobie.  Monaco s’ouvre sur un paysage magnifique et semble y être hermétique. A Monaco tout est ultra surveillé et sécurisé, et pourtant vous vous sentez en péril (votre âme vagabonde ou votre sensibilité peut-être). Mais à Monaco l’accueil est particulièrement cordial et après un voyage avec pour voisins des vieillards acariâtres et racistes (à l’aller comme au retour d’ailleurs, je déconseille fortement la ligne Paris-Vintimille/Vintimille-Paris à toute personne de moins de soixante-dix ans et aux étrangers à moins d’être sourds, ce qui rendrait alors leur voyage à peu près supportable), l’accueil paraît réellement princier.

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    Mon hôtel, le Fairmont, comme suspendu au-dessus de la mer
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    Le forum se déroule à l’Auditorium Rainier III  sorte de blockhaus à la dérive (un peu comme certains festivaliers à l’issue -et même au début !- de ces trois jours) ainsi construit directement sur la Méditerranée (d’ailleurs déchaînée pendant ces trois jours, contrastant avec le luxe aseptisé du lieu et lui procurant un aspect presque inquiétant), au-dessus de la route tout comme l’hôtel Fairmont  avec sa vue à couper le souffle auquel il est relié par un passage secret (comme dans toute monarchie qui se respecte, il y a toujours des passages secrets!). Même si vous n’y êtes jamais allés, vous connaissez forcément cet immense édifice qu’est le Fairmont, un des plus grands et luxueux hôtel au monde qui compte plus de 600 chambres, en-dessous duquel passe le Grand Prix Automobile de Monaco et qui est toujours filmé à cette occasion. Cette difficulté d’accès, certes relative, à l’Auditorium Rainier III, son caractère un tout petit peu excentré, et probablement aussi le manque d’échos médiatiques  mais aussi la grève expliquent probablement que l’ouverture mais aussi les débats se soient le plus souvent déroulés dans un auditorium presque vide, ce qui a parfois donné lieu à de grands moments de solitude pour certains invités.

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    La leçon de cinéma d'Amos Gitaï "animée" par Jean-Michel Frodon
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    Dommage : la leçon de cinéma d’Amos Gitaï, résumant son cinéma par la sobriété et l’incarnant si bien, valait la peine d’être entendue, bien qu’il aurait été certainement plus judicieux de la confier au passionné et passionnant Jean-Pierre Lavoignat plutôt qu’à Jean-Michel Frodon aussi cinéphile qu’apathique.  Le débat avec Josée Dayan concernant l’adaptation littéraire qui a notamment évoqué les contraintes imposées par TF1 pour la réalisation des « Liaisons dangereuses » (doublage de Rupert Everett, adaptation à une époque plus contemporaine) était aussi plutôt instructif, après que cette dernière ait menacé de quitter la scène, ayant de surcroît failli avoir un accident d’avion à l'aller, et s’exprimant devant une salle peu remplie et composée de lycéens qui pour la plupart bavardaient, jouaient avec leurs portables (au mieux), et ne l’écoutaient pas… Les lectures de romans par leurs auteurs  (Michele Halberstadt, David Foenkinos, Eliette Abecassis) constituèrent aussi un moment intéressant, qui a malheureusement été peu audible pour la même raison.

     

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    L'hôtel de Paris, ci-dessus et ci-dessous, où s'est déroulé le dîner de clôture
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    Trois films et peu de débats : que font les invités le reste du temps me demanderez-vous ! Eh bien ils déjeunent et dînent, courtisent et se pavanent, échangent des cartes de visites, ou des propos insipides qui se veulent cyniques, souvent, ou passionnants, parfois, dans des lieux plus somptueux, luxueux, scintillants les uns que les autres, déployant autant de raffinement que certains en on parfois manqué : à l’Hermitage, au Fairmont, à l’Hôtel de Paris. Parfois il se trouvent, parfois ils se perdent. Parfois, ils jouent, souvent ils mentent et enjolivent leur réalité ou la taisent pour la faire croire encore plus brillante, parfois ils vous touchent lors d’un éclair de vérité. Ils s’acharnent à se construire un personnage, à jouer un rôle, ou à se conformer à celui qu’on souhaite leur voir jouer, aussi pathétique soit-il.  Et s’installer à une table (au Forum de Monaco, de l’ouverture à la clôture le placement est libre, ce qui donne parfois d’étranges combinaisons…) c’est un peu comme jouer à la roulette russe (la malchance peut tuer) . J’ai été parfois chanceuse, parfois moins (même si là où j’estime l’avoir moins été certains, opportunistes, auraient trouvé qu’ils l’étaient ) mais j’ai toujours fini par ressusciter.

     

    Parmi toutes ces rencontres :  ceux qui vous posent des questions et cessent d’écouter la réponse lorsqu’ils réalisent que vous ne leur apporterez rien. Un écrivain célèbre qui cabotinait tellement qu’il en devenait plus touchant que pathétique, se citant, riant de ses propres plaisanteries (Probablement n’a-t-il pas vu « Ridicule » de Patrice Leconte où surtout conseil est donné de ne jamais rire de ses propres plaisanteries à la cour).  Ceux qui compensent leur manque de (re)connaissance(s) par une attitude hautaine.  Ceux qui se dévoilent ou le feignent et plutôt se déguisent. Ceux qui voilent malhabilement leur talent et leur mal être par une attitude excessive, et n’en sont que plus touchants. Ceux qui vous jugent sur un mot, un instant, un statut.  Ceux qui se méprennent sur vos silences. D'obscurs assoiffés de lumière(s).  Ceux qui n’ont aucune pudeur morale et s’en glorifient. Ceux dont vous suscitez la bienveillante curiosité sur un mot, un instant, un statut.  Ceux qui vous intriguent, ceux que vous intriguez.  Laideur et beauté n’ont ainsi, pendant trois jours, cessé de se côtoyer et parfois se heurter, provoquant un tourbillon enivrant dont je ne suis pas encore totalement dégrisée.

     

    Certains pourraient s’y perdre. Moi, j’ai juste l’impression d’y avoir gagné. Un sentiment de liberté. La liberté de penser que c’est dérisoire. La liberté de partir quand le dérisoire devenait insupportable La liberté d’aimer passionnément, encore et toujours, le cinéma et l’écriture, et de se dire que cela importe plus que toutes ces futiles vanités (dans les deux sens du terme, d’où le pléonasme). La liberté de ne pas changer, de ne jamais devenir aussi blasée, opportuniste, sinistrement cynique, malgré tout.

     

    Ce festival a suscité autant d’émotions que j’ai croisé de personnalités contradictoires mais encore une fois, j’ai constaté que les plus talentueux sont les plus simples, les plus discrets.

     

    J’ai aussi, quand même, surtout, croisé de belles personnes, ai été reçue dans des conditions vraiment exceptionnelles (mieux que certains membres des jurys, logés en dehors de Monaco, mais chut…), vu de beaux instants de cinéma, des personnalités éclatantes, des artistes sensibles, discrets et passionnés (Jeanne Moreau, Daniel Auteuil, et quelques inconnus qui ne devraient pas le rester longtemps), stressés (Zabou Breitman lors de la présentation de son film "Je l'aimais" en avant-première mondiale, je l’espère rassurée par le très chaleureux accueil qui lui a été réservé), une présidente qui a la grâce (Laura Morante) un Prince de Monaco discret, joliment troublé et intimidé par Jeanne Moreau, impériale...et tant d'autres.

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    L'équipe de "Je l'aimais" de Zabou Breitman: Daniel Auteuil, Marie-Josée Croze, Fabio Conversi, Zabou Breitman
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     C’est étrange, moi qui ai été paraît-il choisi pour la qualité de mon écriture (et espère bien qu’elle continuera à me faire vivre des aventures aussi magnifiques), les mots avec lesquels j’aime habituellement tant jongler, soudain, me manquent pour évoquer ces trois jours ou plutôt je préfère les choisir avec parcimonie, et y substituer ceux de la fiction. C’est pourquoi, dès que j’aurai un peu plus de temps, j’écrirai  une nouvelle se déroulant dans le cadre de ce festival.

     

    Reste que ce festival, dans un écrin fastueux, est un lieu idéal pour que des projets cinématographiques aboutissent et rien que pour cela son initiative en est particulièrement louable, et sa pérennité nécessaire dans un domaine où ceux qui écrivent et ceux qui financent ont finalement peu d’occasions de se rencontrer.

     

    Merci au Festival pour l’accueil, chaleureux (la Présidente Claire Breuvart, la coordinatrice générale Laura Pennequin, la responsable market Jenny Cohen, et la responsable des relations presse Corinne Koszczanski), aux chauffeurs et hôtesses toujours souriants,  à Rumeur Publique et Commeaucinema.com (merci Doriane, vraiment) pour m’avoir sélectionnée, et à mes  voisins de (deuxième) table du dîner à l’hôtel de Paris qui comprendront et se reconnaîtront s’ils lisent ce blog...

     

    A suivre : mes critiques en avant-première de « Frost/Nixon, l’heure de vérité », « Chéri » de Stephen Frears, « Je l’aimais de Zabou Breitman.

     

    PALMARES DU FORUM INTERNATIONAL CINEMA ET LITTERATURE DE MONACO

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    Prix du meilleur roman adaptable : « Ritournelle de la faim » de Jean-Marie Gustave Le Clézio, édition Gallimard

    Prix de la meilleure bande dessinée adaptable : Esthétique et filatures de Lisa Mandel, édition Casterman

    Prix de la meilleure adaptation littéraire de télévision : L’Homme aux cercles bleus de Josée Dayan sur France 2

    Prix de la meilleure adaptation littéraire de cinéma : film sélectionné de Studio-CinéLive Mesrine de Jean-François Richet

    Prix du meilleur producteur d’adaptations littéraires de cinéma : Fabio Conversi

    Prix spécial du Forum International Cinéma et Littérature : Largo Winch de Jérôme Salle

    Prix du meilleur acteur d’adaptations littéraires de cinéma : Daniel Auteuil

    Trophée d’honneur : Jeanne Moreau

     

    LIENS :

     

    La page Facebook du Forum International Cinéma et Littérature de Monaco

    Le site officiel du Forum International Cinéma et Littérature de Monaco

    Et parce que ce Festival a renforcé mon souhait, la page Facebook que j’ai créée consacrée  à la création d’un Festival de cinéma à Laval

     Mes précédents articles concernant le Forum International Cinéma et Littérature de Monaco

     

    MES VIDEOS DU FORUM INTERNATIONAL CINEMA ET LITTERATURE DE MONACO 2009:

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    QUELQUES CLICHES SUPPLEMENTAIRES:

     

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    Ci-dessus, le grand Auditorium Rainier III
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    Ci-dessus, l'espace FNAC de l'Auditorium Rainier III
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    Ci-dessus, le hall de l'Auditorium Rainier III
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    Ci-dessus, l'hôtel Hermitage, où eut lieu le dîner d'ouverture
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    Ci-dessus, la Principauté de Monaco prend soin de notre coeur...
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    Ci-dessus, à Monaco, souriez partout, tout le temps: vous êtes filmés...
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    Un festival qui est aussi un régal pour les papilles...
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  • La bande annonce de "Je l'aimais" de Zabou Breitman avec Daniel Auteuil...

    Parmi les trois avant-premières évènements du Forum International Cinéma et Littérature de Monaco 2009  figure "Je l'aimais" de Zabou Breitman, l'adaptation du roman éponyme d'Anna Gavalda. Pour l'occasion toute l'équipe du film sera présente à Monaco: Zabou Bretiman, Daniel Auteuil... La projection aura lieu le samedi 21 mars à 19H. Vous pourrez bien sûr en retrouver la critique sur "In the mood for cinema".

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    BANDE ANNONCE DU FILM "JE L'AIMAIS" DE ZABOU BREITMAN:
  • Le deuxième souffle : Alain Corneau insuffle un « nouveau » souffle au cinéma policier

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    Le deuxième souffle. De vie. De liberté. Celui de Gustave Minda (dit Gu), interprété par Daniel Auteuil, condamné à la prison à vie pour grand banditisme, qui parvient à s’évader. Traqué par la police, il prévoit de s’enfuir à l’étranger avec Manouche (Monica Bellucci) la femme qu’il l’aime, qui l’aime. Pour financer leur départ, il accepte de participer à un braquage, normalement le dernier…

    Quel défi de réaliser une nouvelle adaptation du roman de José Giovanni, quarante et un an après celle de Jean-Pierre Melville, le maître du polar à la française. Quel défi pour Daniel Auteuil, Michel Blanc, Monica Bellucci, Eric Cantona, Jacques Dutronc de succéder à Lino Ventura, Paul Meurisse, Christine Fabréga, Michel Constantin, Pierre Zimmer…

    La comparaison est inéluctable. Dès le début Alain Corneau impose un nouveau style, se distingue de la première adaptation : par l’utilisation du ralenti, par le recours aux couleurs vives, magnétiques, poétiques, hypnotiques, fascinantes. Dès le début aussi, Alain Corneau nous replonge dans les codes des polars des années 60 : code d’honneur, borsalinos, silhouettes inimitables et gémellaires de flics et voyous, gueules « d’atmosphère »  jouant et se déjouant à la fois de la nostalgie des  films de ces années-là.

     D’abord on tâtonne, on peine à entrer dans cet univers théâtral, théâtralisé, coloré, grandiloquent, connu et inconnu, égarés entre nos repères du cinéma d’hier et ceux du cinéma d’aujourd’hui et, pourtant, peu à peu on se fond dans cet univers hybride et étrange : cet univers de rouge et vert clinquant, cet univers où chaque acteur judicieusement choisi incarne magnifiquement une typologie de personnage du film noir (Jacques Dutronc, le dandy, d’une sobriété et justesse irréprochables,  Nicolas Duvauchelle, le petit truand arrogant d’une insolence parfaitement dosée, Gilbert Melki, le tenancier à la gâchette facile et à la respectabilité douteuse etc) cet univers où Jean-Pierre Melville rencontre John Woo, Johnnie To et Wong Kar Waï (sublime photographie d’inspiration asiatique d’Yves Angelo), en embarquant Tarantino au passage, en chorégraphiant et stylisant  la violence. Un mélange détonant. De cinéma d’hier et d’aujourd’hui. De codes classiques (narratifs, de choix des acteurs, que Corneau avait d’ailleurs porté à leur paroxysme dans le très melvillien « Police python 357 ») et d’une esthétique moderne. Des codes du film noir, français et américain, des années 60 et ceux du film policier asiatique des années 2000.

     Il n’y a pas vraiment de suspense, le souffle est ici tragique et on sait qu’il n’en restera que de la poussière. Non, l’intérêt se situe ailleurs.  Dans la fragilité qui affleure de l’inspecteur Blot, interprété par Michel Blanc dont l’interprétation bluffante et nuancée rappelle celle de l’acteur dans "Monsieur Hire", qui nous fait aussi penser à Bourvil dans « Le cercle rouge », qui dans un plan séquence du début d’emblée s’impose et impose un personnage. Magistralement. Dans la droiture morale de Gu, Daniel Auteuil à la fois nous fait oublier Ventura et nous le rappelle dans un mimétisme physique sidérant.

     Entre Pigalle en vert et rouge et Marseille en couleur ocre on se laisse peu à peu embarquer dans ce deuxième souffle, ces personnages s’humanisent malgré l’inhumanité de leurs actes, et nous prenons fait et cause pour Gu, aussi fascinés que celui qui le traque, par cet homme obsédé et guidé par son sens sacré de l’honneur.

    Alors oui, parfois on ne comprend pas ce que disent Monica Bellucci, l’incontournable femme fatale du film noir (une actrice comme Emmanuelle Béart n’aurait-elle pas mieux convenu ?) ou Eric Cantona (qui disparaît d’ailleurs mystérieusement du scénario dans la seconde partie du film). Alors oui, on repense au chef d’œuvre de Melville, si hiératique, si implicite, là où celui de Corneau est si bavard au point parfois de ne pas sonner juste… mais voilà la nostalgie du cinéma d’hier qu’il nous rappelle malgré tout l’emporte finalement, surtout qu’Alain Corneau donne en même temps un nouveau souffle, lyrique, au roman noir de  José Giovanni, lui insufflant  aussi de la poésie, de la modernité, sa modernité.

     Avec "Gangsters" et "36 Quai des Orfèvres" Olivier Marshall avait inventé le polar français des années 2000,  Alain Corneau, lui, a le courage et l’audace cinématographique de lui donner un deuxième souffle, stylisé, déroutant mais progressivement envoûtant, en s’inspirant de son premier : celui, inégalable, du cinéma français des années 60 et 70.

     Avec cet exercice de style surprenant et néanmoins réussi, Alain Corneau prouve une  nouvelle fois l’étendue de sa palette dans de nombreux genres ( de « Tous les matins du monde » à « Stupeur et tremblements », de « La menace » à « Fort Saganne », en passant par « Le choix des armes ») mais surtout dans le genre dans lequel il excelle, le cinéma policier, un genre dont le cinéma français  qui l’a pourtant porté au plus haut est malheureusement avare et dans lequel il est désormais mal à l’aise, sans doute impressionné par son prestigieux passé, et maladroit. Merci M.Corneau pour cette madeleine de Proust. Savoureuse... quoiqu’on en dise.

    Sandra.M